La révolution manufacturière « 4.0 » exigera de tous les travailleurs des usines liées à l'aéronautique qu'ils s'intéressent aux technologies, un changement nécessaire qui ne sera facile ni pour eux ni pour leurs patrons, convient Aero Montréal dans une étude qui doit être dévoilée ce matin.

« Les métiers à tous les niveaux sont en voie de se déspécialiser, peut-on notamment y lire. Le travailleur de l'aérospatiale de demain devra s'intéresser à l'ensemble des métiers et à la technologie. »

Le Guide des compétences 4.0 en aérospatiale produit par Aero Montréal cible entre autres les institutions d'enseignement, afin de dresser la liste des futures exigences des employeurs. Il contient aussi des arguments pour les entreprises n'ayant pas encore amorcé ce virage.

« La conférence de Davos, il y a deux ans, a été la bougie d'allumage, explique la présidente-directrice générale de l'organisme, Suzanne Benoit. On y a parlé de manufacturier 4.0 et du défi de la numérisation du monde industriel. Nous avons pensé faire une étude sur le 4.0, mais uniquement dans l'aérospatiale. »

« UNE QUESTION DE SURVIE »

Pour Aero Montréal, l'ère « 4.0 » est celle qui suit celle de la robotisation. Les robots ne se contentent plus d'obéir aux ordres, ils génèrent en temps réel des données sur leur niveau d'avancement, leur état, etc. Ces données peuvent ensuite être intégrées dans des systèmes plus complexes permettant d'optimiser la production de l'ensemble de l'usine.

Pour l'auteur de l'étude, Patrick Bernier, une telle transformation est « une question de survie de l'industrie ».

Pour y parvenir, il faut d'abord un dirigeant assoiffé de connaissances technologiques et convaincant, selon l'étude.

« Le défi est d'amener l'ensemble des acteurs internes à comprendre en quoi consiste le virage 4.0 pour l'entreprise », explique le rapport.

« Il faut créer le sentiment d'urgence. Un dirigeant qui n'a pas d'intérêt envers les technologies ne pourra pas jouer un rôle direct dans la réussite de cette transition. » - Patrick Bernier, auteur de l'étude

L'adhésion de tous les employés passe par une bonne mise en contexte, fait-on valoir.

« Au dire des participants interviewés, les travailleurs du plancher ne sont pas réticents aux changements, surtout lorsque la nature du projet et les enjeux d'affaires leur sont bien présentés. »

L'un de ces enjeux est l'intégration des chaînes d'approvisionnement. Un fournisseur peut être capable de mesurer sa propre productivité ou son état d'avancement sur une commande sans données fournies par ses machines, mais ces dernières peuvent néanmoins s'avérer cruciales pour son client, explique M. Bernier.

« Un grand donneur d'ordres qui peut voir qu'il y a un retard de deux heures dans la production chez son fournisseur peut anticiper les problèmes à survenir sur sa ligne de montage », donne-t-il en exemple.

DES OBSTACLES

Il y a toutefois des obstacles. L'industrie locale de l'aéronautique est dominée par les PME, souvent de petite taille, ce qui peut compliquer l'adoption. D'autant plus que les institutions financières « demeurent frileuses à investir dans la transformation numérique ».

Sans compter qu'il faut au premier chef convaincre les entrepreneurs de s'y lancer, ce qui ne semble pas acquis, selon les constatations de l'étude.

« Le message de l'industrialisation 4.0 semble également être saturé. Plusieurs perçoivent cette révolution comme une mode passagère. »